La station debout prolongée
Quelles conditions de travail aggravent la station debout prolongée?
Comment le corps réagit-il à la station debout prolongée?
Quelles sont les conséquences pour la santé?
Comment les pieds sont-ils particulièrement affectés?
Quelles lois sont disponibles?
La station debout prolongée : Éliminer la pression
Nous les avons tous ressenties – douleurs aux pieds, jambes raides et douleurs dans le bas du dos, tous résultant de longues heures de travail en station debout. Si ces maux ne sont peut-être pas considérés comme de sérieuses blessures professionnelles, ils ont bel et bien des effets néfastes sur la santé et la sécurité des travailleurs. Les travailleurs fatigués et souffrants sont moins vigilants, ce qui augmente le risque d’incidents.
Des études réalisées en Europe révèlent qu’entre le tiers et la moitié de tous les travailleurs passent plus de quatre heures par jour sur leurs pieds, soit en restant debout soit en marchant. La plupart de ces travailleurs travaillent dans les secteurs de la fabrication et des services. Il s’agit notamment d’associés aux ventes dans le commerce de détail, de travailleurs industriels (opérateurs de machine et travailleurs à la chaîne), des travailleurs de supermarché (en particulier les caissiers et caissières), et des préposés aux services d’alimentation. D’autres travailleurs comme les meneurs de jeu des casinos, les facteurs, les préposés aux services de blanchisserie à grande échelle, les enseignants et les travailleurs de la santé passent aussi beaucoup de temps sur leurs pieds.
Une étude réalisée aux États-Unis confirme que la station debout est particulièrement risquée pour les travailleuses enceintes de même que pour l’enfant qu’elles portent. Le travail en position debout pendant six heures ou plus par jour a été lié à divers cas d’accouchements prématurés, d’insuffisance de poids chez des nouveau-nés et d’hypertension artérielle chez des mères.
En règle générale, les effets de la station debout prolongée peuvent être éliminés ou réduits au niveau de l’organisation de l’espace de travail et de la conception des postes de travail. Un poste de travail bien pensé, combiné à un travail bien conçu, permet au travailleur de maintenir une position équilibrée sans imposer de stress au corps.
Quelles conditions de travail aggravent la station debout prolongée?
Dans un lieu de travail idéal, tous les travailleurs auraient le choix de travailler debout ou assis dans un fauteuil ergonomique bien ajusté et de prendre des pauses au besoin. Tous les outils requis pour s’acquitter de leurs tâches seraient à portée de la main.
La station debout prolongée peut progressivement empirer la posture. Généralement, les travailleurs commenceront à s’affaisser et à déplacer leur poids d’une jambe à l’autre pour atténuer la pression. L’affaissement favorise une posture statique et rend le travailleur moins vigilant et moins actif. Si cette position inconfortable est maintenue pendant de longues périodes, il peut en résulter des problèmes de circulation comme l’enflure des pieds et des jambes.
La configuration physique du poste de travail, ainsi que les outils, la position des clés, les mécanismes de contrôle et d’affichage dictent les positions que l’on peut prendre en travaillant. Si l’espace de travail est inadéquat pour la tâche à exécuter, il s'ensuit que le travailleur peut moins facilement changer de position et rafraîchir les muscles fatigués. Il est parfois contraint d’adopter de mauvaises postures. Ces contraintes limitant le choix des positions contribuent à l'apparition de problèmes de santé.
Le revêtement du plancher du lieu de travail a aussi un impact sur la santé, en particulier sur les pieds. Les planchers durs et rigides comme ceux qui sont faits de ciment ou de métal sont les surfaces les moins confortables pour travailler. Travailler sur un plancher dur a l’effet d’un marteau qui martèle le talon à chaque pas.
Ces conditions surviennent habituellement lorsque le travail est conçu sans qu'on ait tenu compte des caractéristiques du corps humain. Lorsque les besoins fondamentaux de chaque travailleur sont négligés dans la conception d’un poste, le travail peut causer un certain inconfort à court terme et mener tôt ou tard à des problèmes de santé graves et chroniques.
Comment le corps réagit-il à la station debout prolongée?
Compression des articulations
Chaque partie du corps est compressée par toutes les sections du corps qui se situent au-dessus d’elle. Par exemple, la tête, les bras et le torse compressent les hanches, mais les pieds sont compressés par le poids du corps entier. Compresser une articulation est comme presser une éponge – les liquides corporels sont exprimés de l’espace articulaire. Sans liquides corporels et sans circulation, les articulations deviennent mal alimentées, et ne peuvent continuer à soutenir le poids du corps. Alors les parties du corps s’usent et se détériorent.
Insuffisance de retour sanguin dans les pieds
La gravité fait descendre le sang dans les pieds. Les contractions musculaires cycliques jouent le rôle d’une pompe qui ramène le sang au cœur. Quand les muscles se contractent de manière prolongée pour permettre à une personne de rester debout, cela nuit à la bonne circulation des liquides corporels. Ce qui peut entraîner une accumulation sanguine dans les pieds, qui risque de se transformer au fil du temps en varices.
Fatigue des muscles de posture
Ce sont les muscles et les articulations déterminant la posture qui tiennent le corps en place lorsqu’une personne est debout ou marche. Ces articulations et muscles ont besoin de nutriments, ce que leur procure la circulation. Les muscles ont également besoin de repos pour se rétablir des périodes de travail intensif. Le fait de se tenir debout ou de marcher pendant longtemps force les muscles et les articulations à travailler de manière ininterrompue sans nutriment. Sans repos, les muscles s’épuisent et causent des douleurs.
Quelles sont les conséquences pour la santé?
La position debout est naturelle chez l'être humain et, en soi, ne pose aucun problème de santé particulier. En fait, lorsqu’on reste debout pendant de courtes périodes de temps, le corps se trouve dans une de ses positions les plus confortables. La courbure lombaire est maintenue de façon naturelle, la colonne vertébrale est bien soutenue et les organes internes du corps sont dans une position détendue et naturelle. Toutefois, le fait de travailler debout régulièrement peut causer les problèmes de santé suivants :
- douleurs aux pieds;
- enflure des jambes;
- varices;
- fatigues musculaires généralisées;
- douleurs dans le bas du dos;
- raideurs articulaires de la nuque et des épaules.
Tenir le corps droit requiert un effort musculaire considérable, qui est particulièrement malsain même si le corps reste immobile. En effet, l'apport sanguin dans les muscles tendus s'en trouve limité (les muscles qui permettent de maintenir le corps droit). Cela cause des pressions musculaires dans les jambes, le dos et la nuque.
Un afflux sanguin insuffisant accélère l'apparition de la sensation de fatigue et cause des douleurs et même des dommages permanents aux tissus corporels. Il en résulte des blessures comme des varices, l’arthrite dans les genoux et les hanches, la fasciite plantaire (inflammation d’une bande de tissus au bas du pied), l’épine calcanéenne, le pied plat, l’hypertension artérielle et des douleurs dans le bas du dos.
Une période prolongée en station debout, sans pause pour se dégourdir les jambes, entraîne une accumulation locale de sang dans les jambes et les pieds. Lorsque cette position est maintenue continuellement, pendant de longues périodes, il peut en résulter une inflammation des veines. Cette inflammation peut s'aggraver au fil du temps et se transformer en varices, un problème chronique et douloureux. Cette position, maintenue trop longtemps, peut également entraîner un blocage temporaire des articulations de la colonne vertébrale, des hanches, des genoux et des pieds, blocage qui peut donner lieu à des maladies articulaires attribuables à une dégénérescence des tendons et ligaments.
Comment les pieds sont-ils particulièrement affectés?
Le pied renferme des douzaines d’os, d’articulations, de muscles, de nerfs, de vaisseaux sanguins, de tendons et des feuillets fibreux de tissu conjonctif. Quand les tissus corporels sont suffisamment tendus, ils deviennent enflés et /ou irrités. L’inflammation chronique peut créer des tissus cicatriciels et modifier les structures osseuses. Les os du pied forment des cambrures que soutiennent des ligaments et des muscles. Ces cambrures assurent la force, la stabilité, la mobilité et la souplesse du pied. Lorsqu’on se tient debout, marche, court ou saute, les cambrures servent d’amortisseur de choc répandant l’énergie avant qu’elle soit transférée plus haut dans la jambe.
Si les cambrures sont perdues (par exemple dans le cas du pied plat, de la surpronation [rotation trop accentuée de la cheville vers l’intérieur]), leur propriété absorbante disparaît. Ce qui affecte les pieds, les genoux, les hanches et l’épine dorsale et les rend plus vulnérables aux blessures liées au fait de travailler en station debout prolongée.
Quelles lois sont disponibles?
La Grande-Bretagne, la Suède, l’Australie, le Japon et l’Union européenne font partie des nombreux pays dotés de règlements relatifs aux troubles musculo-squelettiques (TMS) comme ceux qui résultent de la station debout prolongée.
Parmi ces pays, la Suède est peut-être celui où ces règlements sont les plus exhaustifs. Légiférées en janvier 1998, ces mesures de réglementation établissent un objectif ambitieux : « Le but visé par ces dispositions est de faire en sorte que les postes de travail, les emplois et les conditions de l’environnement de travail soient conçus et configurés de manière à prévenir les risques des charges physiques tant statiques que dynamiques qui sont dangereuses pour la santé ou excessivement fatigantes ou stressantes. » Les obligations de l’employeur incluent une responsabilité de veiller à ce que « les emplois physiquement monotones, répétitifs, restreints ou qui font l’objet d’un contrôle serré ne soient pas des cas normaux. » Ont été également définis des modèles à suivre pour évaluer le travail et une liste de vérification permettant d’identifier les facteurs de charge potentiellement dangereux.
Législation fédérale
Ici au Canada, la réglementation a évolué. Les modifications apportées en 2007 à la Partie XIX du Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail obligent les employeurs à intégrer les risques ergonomiques liés aux troubles musculo-squelettiques (TMS) à leur Programme de prévention des risques en milieu de travail (Section 125(1)z.03, Partie II, Code canadien du travail) dont le mandat repose sur des dispositions législatives. Ces modifications donnent des précisions sur les éléments que les employeurs doivent intégrer à leur programme de prévention dont un processus d’identification et d’évaluation des risques, l’adoption de mesures de prévention assorties d’une formation en ergonomie. Les employeurs doivent également élaborer, mettre en œuvre et surveiller le programme de concert avec le comité des politiques et avec la participation de ce dernier, ou, s’il n’existe pas de comité des politiques, du comité du lieu de travail ou du délégué à la santé et à la sécurité. D’autre part, les employeurs doivent soumettre, au moins tous les trois ans, un rapport d’évaluation de l’efficacité au ministère du Travail.
Législation provinciale
Par les provinces, la Colombie-Britannique est celle où les règlements en matière d’ergonomie sont les plus exhaustifs. Ces règlements obligent les employeurs à consulter les membres du comité mixte de santé et de sécurité ainsi que les travailleurs visés dans les efforts pour identifier, évaluer et prévenir les risques liés aux blessures musculo-squelettiques. La Saskatchewan et le Manitoba ont également adopté des règlements en matière d’ergonomie. En Ontario, les interventions ergonomiques sont légiférées seulement pour le secteur des soins de santé et ont une portée particulièrement limitée. Le fait demeure que des mesures concrètes ont été prises pour s’attaquer au problème de blessures reliées à un manque d’ergonomie dans les lieux de travail de l’Ontario. En 2007, le ministère du Travail (MTO) a publié deux documents-ressource de prévention des TMS élaborés par le Conseil de la santé et de la sécurité au travail de l’Ontario (CSSTO). Les Lignes directrices de prévention des TMS et le Manuel de ressources fournissent un cadre de travail permettant de s’attaquer au problème de TMS en milieu de travail. Il s’en est suivi la publication en 2008 d’une Trousse de prévention des TMS complémentaire qui, comme le nom l’indique, contient divers outils destinés à aider les lieux de travail à évaluer, mettre en œuvre et surveiller leurs programmes de prévention des TMS.
Les lignes directrices, le manuel de ressource et la trousse soulignent spécifiquement l’importance de fournir une formation à la prévention des TMS à tous les travailleurs assurant ainsi leur participation au processus de prévention des MTS.
Sans des lois spécifiques sur l’ergonomie, les membres des TUAC Canada et leurs représentants doivent se fier à la clause générale relative aux devoirs de l’employeur de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST). Cette clause prescrit à l’employeur de prendre toutes les précautions raisonnables pour assurer la protection des travailleurs.
Que peut-on faire?
En l’absence de lois spécifiques, les travailleurs et les représentants des lieux de travail peuvent réduire les risques liés à la station debout prolongée à divers niveaux : conception des postes de travail, conception des emplois, revêtement de plancher, tapis anti-fatigue et équipement de protection individuel (EPI).
Conception des postes de travail
Un lieu de travail bien conçu permettra d’atténuer les risques liés à la station debout prolongée. Cela inclut des postes de travail bien conçus qui présentent les caractéristiques suivantes :
- Surface de travail à hauteur réglable (si la surface de travail n’est pas réglable, installer une plate forme pour hausser le travailleur de petite taille et un socle qui surélève l’objet pour un travailleur de grande taille);
- Espace pour permettre le changement de position;
- Une rampe ou un repose-pied qui permet de déplacer le poids d’une jambe à l’autre;
- Appui-coude pour les travaux de précision;
- genouilloir rembourré permettant aux travailleurs de s’agenouiller légèrement en avant pour exécuter leurs tâches;
- Choix de travailler assis ou debout à volonté (tabouret assis/debout);
- Un siège pour prendre appui si le travail exige que le travailleur reste debout.
Conception du travail
Principes de base d’un travail bien conçu lorsque les tâches doivent être exécutées en position debout :
- Offrir au travailleur une formation (sur les bonnes pratiques de travail et l’utilisation des pauses);
- Rotations des postes de travail (faire exécuter un travail à tour de rôle par un groupe de travailleurs; les stations debout sont ainsi réparties et leur durée est écourtée;
- Élargir les tâches - l'élargissement des tâches intègre certaines tâches apparentées de façon à accroître la diversité du travail à accomplir, diversifiant d'autant les postures et les mouvements;
- Éviter les mouvements extrêmes de flexion, d’extension et de torsion;
- Adopter un rythme de travail approprié;
- Offrir de fréquentes pauses.
Revêtement de plancher
Les matériaux qui procurent une certaine flexibilité comme le bois, le liège, le tapis ou le caoutchouc sont doux pour les pieds. Les planchers en béton et en métal peuvent être recouverts de tapis. Les tapis doivent avoir des rebords biseautés afin de prévenir les trébuchements. Cependant, les tapis en caoutchouc mousse sont à éviter. Trop de rembourrage peut causer la fatigue et accroître le risque de trébucher.
Tapis anti-fatigue
Les tapis anti-fatigue peuvent également atténuer l’inconfort des pieds et la fatigue. Ils favorisent des mouvements subtils des muscles de la jambe et du mollet, mouvements qui facilitent le retour du sang au cœur réduisant ainsi la fatigue.
EPI (équipement de protection individuel)
Les effets de la station debout prolongée sur la santé peuvent être également réduits en portant des chaussures adéquates. Les chaussures ne devraient pas modifier la forme des pieds. Elles devraient avoir suffisamment d’espace pour permettre de bouger les orteils, des semelles avec coussin amortisseur de choc et des talons d’une hauteur maximale de 5 cm (2 pouces).
NOTE DE LA RÉDACTION :
Nous tenons à remercier le Centre de santé et sécurité des travailleurs et travailleuses de l’Ontario
pour cette publication