Les salarié(e)s doivent contribuer à définir l’avenir du travail
Paul Meinema
Président national, Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC Canada)
Toronto – 30 août 2018 – Comme ce fut le cas dans la foulée de l’évolution technologique des époques passées, il est essentiel que les travailleuses et travailleurs continuent de contribuer à la définition de l’avenir du travail, ce pour faire en sorte que d’ici une génération la fête du Travail demeure une célébration annuelle de la valeur des travailleuses et travailleurs et d’une société qui produit de bons emplois bien rémunérés. Nous devons faire usage d’intelligence humaine pour veiller à ce que l’intelligence artificielle et l’automatisation soient des secteurs créateurs de revenus et de stabilité non seulement pour les entreprises mais aussi pour les salarié(e)s et la société.
Que l’on soit médecin, comptable, travailleuse ou travailleur d’usine, camionneuse ou camionneur, commis d’épicerie, ou que l’on exerce un autre métier, l’impact de l’automatisation se fait sentir partout. Selon les rapports de diverses études réalisées récemment par l’Institut Brookfield et le Centre Mowat, l’automatisation pourrait provoquer la perte de millions d’emplois au Canada au cours des dix prochaines années, et des centaines de milliers d’autres emplois pourraient être remplacés par des emplois précaires de courte durée.
Contrairement aux époques précédentes où l’on avait fini par remplacer les emplois perdus par de nouveaux types de bons emplois, rien ne garantit que cela va se reproduire sans une action coordonnée. Si nous voulons donc que l’avenir du travail soit prometteur, il faut la collaboration de tous les acteurs de l’économie de l’emploi, c’est-à-dire le gouvernement, les salarié(e)s, les organisations syndicales et les entreprises.
Il ne faudrait pas que les sociétés soient les seuls acteurs à décider de l’orientation que prendra l’avenir du travail. Il est évident que les crédits d’impôt aux sociétés qui devaient stimuler la création d’emplois n’ont pas porté fruit. La majorité de ces crédits d’impôt constituaient une aubaine pour les actionnaires qui les empochaient sous forme de dividendes et de rachat d’actions ou en profitaient pour investir dans des technologies réductrices d’emplois. Les profits des sociétés ayant atteint des niveaux record, il est juste que l’on envisage de prélever des impôts sur ces profits afin de soutenir des programmes de recyclage et de transition pour les travailleuses et travailleurs déplacés par les nouvelles technologies. Même le milliardaire Bill Gates, fondateur de Microsoft, a suggéré le prélèvement d’une taxe sur les technologies robotiques pour soutenir un programme de revenu de base universel et de recyclage professionnel.
Les gouvernements ont eux aussi un rôle prépondérant à jouer aux côtés des syndicats, du secteur privé et des établissements d’enseignement, celui d’élaborer une stratégie nationale de développement des compétences qui permettra de déterminer les besoins en matière de formation, d’éducation et d’apprentissage pour le futur marché de l’emploi. Les syndicats sont des partenaires tout désignés pour ce qui est de la prestation des programmes de recyclage professionnel. Par exemple, notre propre syndicat offre en ligne un programme de développement des compétences parmi les plus complets au pays, et comme beaucoup d’autres organisations syndicales, il est disposé à collaborer avec les gouvernements et les employeurs pour aider les salarié(e)s à se préparer pour les nouveaux emplois de l’avenir.
Face à la précarité de l’économie, les gouvernements devraient aussi être vigilants dans leurs efforts pour faire respecter les normes d’emploi afin de prévenir l’exploitation des travailleuses et travailleurs contractuels et intérimaires. Il faudrait également qu’on remanie les programmes de formation liés à l’assurance-emploi, d’autant plus que le recyclage pour les emplois de la nouvelle économie pourrait prendre plus de temps que prévu et nécessiter un soutien accru.
Nous ne saurons nous contenter d’adopter une attitude complaisante face à la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle et qu’elle pourrait devenir dans le futur. Le travail est essentiel pour le revenu, mais il représente plus que cela. La plupart des gens ont besoin d’un emploi, tout comme la famille et la santé, pour mener une vie saine. Le travail fait partie de la vie en société et rapproche la travailleuse ou le travailleur de ses collègues de travail et de sa communauté. Face à l’automatisation et au recours à l’intelligence artificielle, nous devons aussi veiller à ce les jeunes travailleuses et travailleurs aient éventuellement accès à des emplois décents, de bons salaires et la possibilité de progresser dans leur carrière. Quant aux travailleuses et travailleurs âgés qui ont été déplacés, nous devons nous engager en tant que société à fournir les ressources dont ils et elles ont besoin pour surmonter les effets de l’automatisation.
Nous ne pouvons pas permettre que l’automatisation et l’intelligence artificielle deviennent des forces destructrices d’emplois et de collectivités. Mais, elles pourraient le devenir si nous n’accompagnons pas le secteur privé ou le gouvernement et que nous leur laissons à eux seuls le soin d’en décider. En tant que travailleuses et travailleurs, nous devons plus que jamais nous mobiliser et travailler encore plus fort pour que les droits ouvriers, ainsi que les droits et le bien-être des familles soient pris en compte dans les politiques publiques. Le nouveau monde du travail ne doit pas être imposé. Les travailleuses et travailleurs doivent contribuer à le définir et à le contrôler. Le nouveau monde du travail doit prévoir de bons emplois. Ils sont essentiels pour un Canada fort, un monde de travail juste, et un avenir juste et prospère.
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Paul Meinema est le président national de l’Union des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce (TUAC Canada), syndicat représentant plus de 250 000 salarié(e)s qui oeuvrent dans toutes les sphères de la production alimentaire, ainsi que dans les domaines des soins de santé, de la sécurité et d’autres secteurs économiques clés du Canada.