Au Canada, l’idée du droit au travail sans adhésion syndicale obligatoire dans un atelier syndiqué est une notion étrangère
Depuis quelques mois, le gouvernement provincial qui est formé par le Parti saskatchewanais de Brad Wall incorpore au droit du travail des mesures législatives permettant d’occuper un emploi sans adhésion syndicale obligatoire dans un atelier syndiqué. De même, en vue des élections provinciales d’avril dernier en Alberta, le Parti Wildrose a fait campagne en proposant une plate-forme dont la teneur était du même genre. Or, le chef du Parti progressiste-conservateur de l’Ontario Tim Hudak vient de publier un livre blanc prévoyant l’adoption d’une loi qui assurerait le droit au travail sans l’obligation d’adhérer à un syndicat dans sa province. Malheureusement, les propositions de cette nature ne sont plus l’apanage du mouvement de droite que constitue le Tea Party aux États-Unis; il en est désormais question dans le discours dominant en politique au Canada.
En s’étendant vers le nord, l’existence de lois assurant le droit au travail sans adhésion syndicale et l’élimination des droits garantissant la faculté de négocier collectivement, que l’on constate aux États-Unis, ont manifestement une influence d’ordre politique et économique sur notre pays. Par exemple, plus tôt cette année, la société Caterpillar a mis en lock-out 465 travailleurs à London, en Ontario, tout en exigeant qu’ils consentent à une réduction de leur salaire de cinquante pour cent. Un jour, le personnel ayant refusé la proposition insultante de la compagnie, celle-ci a fermé l’usine et a déménagé pour s’installer en Indiana alors que, la veille, le gouvernement de cet État avait adopté une loi qui assurait le droit au travail sans l’obligation de faire partie d’un syndicat.
En promulguant des lois pareilles au Canada, on démantèlerait les acquis ayant pour origine le recours à la formule Rand. Cette dernière doit son nom au juge de la Cour suprême Ivan Rand, qui l’a élaborée en 1946. En vertu de cette formule, les membres du personnel d’un lieu de travail où l’on a implanté un syndicat ne sont pas obligés d’y adhérer, mais chaque travailleuse ou travailleur ou bien chaque employée ou employé doit verser des cotisations syndicales. Grâce à cette disposition, on évite que des travailleuses et des travailleurs parasites (qui refuseraient de s’inscrire au syndicat) ne profitent des avantages et des services que le syndicat en question offre alors qu’ils omettent de régler leurs cotisations syndicales. Des mesures législatives assurant le droit au travail sans adhésion syndicale dispenseraient les gens qui font partie de ce personnel d’en verser, mais ceux-ci auraient néanmoins droit aux services que le syndicat assure.
L’ancien premier ministre progressiste-conservateur de l’Ontario Bill Davis favorisait les syndicats en expliquant qu’ils constituaient un moyen de diminuer les inégalités et d’améliorer la situation des travailleuses et des travailleurs ainsi que celle de leurs familles au point de vue du bien-être. Au lieu de promouvoir les idées antisyndicales qui ont actuellement cours dans plusieurs États du pays voisin au sud du nôtre, Brad Wall et Tim Hudak ainsi que le Parti Wildrose devraient prendre exemple sur monsieur Davis en reconnaissant publiquement que les syndicats apportent une contribution inestimable à la société dans laquelle nous vivons.