Lettre ouverte du président national des TUAC Canada Paul Meinema au premier ministre Stephen Harper à propos du Mois national de l’histoire autochtone de 2014

Juin 2014 – Mois national de l’histoire autochtone

Toronto – May 29 2014 – Nous sommes à quelques jours de juin, et donc à la veille du Mois national de l’histoire autochtone. Comme vous le savez, c’est une belle occasion de souligner les nombreuses contributions des peuples et des nations autochtones, mais aussi de reconnaître l’histoire coloniale du Canada ainsi que les conditions d’inégalité persistantes dans lesquelles vivent de nombreux enfants et familles autochtones. Pour les membres, le personnel et les dirigeant(e)s des TUAC Canada d’un océan à l’autre, ce mois représente une occasion de réfléchir aux luttes des premiers peuples de l’Île de la Tortue.

Alors que le ministère fédéral des Affaires indiennes et du Nord canadien émet des déclarations saluant les réalisations des peuples autochtones, le Canada a une longue et tristement célèbre histoire marquée par l’oppression, l’exclusion et la marginalisation des communautés autochtones. L’hypocrisie saute aux yeux et les exemples de doléances sont innombrables.

Vous conviendrez que les platitudes des gouvernements n’aident guère à trouver des solutions aux problèmes concrets touchant la vie de tous les jours auxquels se trouvent confrontés les Autochtones. Par exemple, le gouvernement conservateur continue de contester la plainte historique relative au bien-être de l’enfance des Premières nations déposée par le partenaire national des TUAC Canada, soit la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations (SSEFPN), ainsi que par l’Assemblée des Premières nations (APN) auprès du Tribunal canadien des droits de la personne. En agissant ainsi, le gouvernement conservateur continue d’appuyer l’inadmissible notion voulant que les enfants des Premières nations devraient recevoir moins de financement  et moins de ressources pour le bien-être de l’enfance que les autres enfants. En fait, au lieu d’avoir un dialogue ouvert avec la SSEFPN et l’APN, certains fonctionnaires fédéraux, selon des documents déposés au Tribunal, auraient entrepris de surveiller la directrice exécutive de la SSEFPN, la Dre Cindy Blackstock, dans le but de recueillir des preuves pouvant renforcer l’idéologie du gouvernement. 

La réponse tardive du gouvernement à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DDPA) est un autre exemple de son hypocrisie face aux besoins urgents des peuples autochtones. Selon l’APN, la DDPA « est une expression des droits fondamentaux des peuples autochtones du monde entier ». Elle a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 2007. Bien que le Canada ait activement contribué pendant plus de 20 ans à la rédaction de la Déclaration, le gouvernement fédéral a d’abord choisi de s’opposer à son adoption. Ce n’est qu’après que la situation eut semé la consternation dans l’opinion publique pendant plusieurs années que le gouvernement fédéral a fini par annoncer son intention d’appuyer la DDPA en 2010. Concrètement, le gouvernement fédéral n’a pas fait grand-chose pour donner vie à la DDPA au Canada et ne semble pas avoir l’intention de le faire.   

Au cours du mois de juin, je suis certain que les Canadiennes et Canadiennes entendront de votre part, et de la part d’autres politiciens conservateurs fédéraux, des discours sur le Mois de l’histoire autochtone faits pour les inspirer. Ils auront peut-être aussi l’occasion de lire des déclarations  se voulant visionnaires publiées par le gouvernement fédéral. Malheureusement, l’histoire nous apprend qu’il s’agit souvent de stratégie pour détourner l’attention de la répression continue des peuples autochtones au Canada. Par exemple, la tragédie des 1 200 femmes et filles autochtones portées disparues et assassinées est une crise nationale d’une envergure effroyable. Un groupe diversifié de communautés réclament depuis plusieurs années une enquête nationale sur cette catastrophe humaine qui continue de sévir. Alors que le gouvernement fait la sourde oreille à ces appels en faveur de la justice et du respect de la dignité humaine, le nombre de femmes et de filles disparues et assassinées continue de monter en flèche. Les cris des parents, des frères, des sœurs et des enfants qui parviennent sans cesse au gouvernement trouvent des oreilles apparemment sourdes, des esprits engourdis et des cœurs insensibles. En serait-il autrement si ces femmes et ces filles n’étaient pas des Autochtones?

Comme vous le savez certainement, les situations mentionnées ici ne sont qu’un aperçu de certaines  des doléances des peuples autochtones. Il n’est pas étonnant que, pas plus tard que le mois dernier, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ait affirmé que la situation désespérée des peuples autochtones au Canada a « atteint des proportions de crise ».

Même s’il est trop tard pour beaucoup trop de victimes, je crois fermement dans un avenir plus brillant où nous pouvons tous être fiers d’une relation avec les Autochtones enracinée dans l’équité et le respect de l’auto-détermination. Avant qu’un autre Mois national de l’histoire autochtone ne soit passé, nous vous incitons à saisir l’occasion que vous offre votre fonction pour  établir avec les Autochtones une relation fondée sur le respect, la reconnaissance des droits autochtones et une sérieuse réconciliation. C’est ce que nous exigeons tous, et rien de moins. 

 Sincèrement,

 

Paul R. Meinema, président national