La nouvelle loi électorale du gouvernement fédéral permettra-t-elle vraiment de veiller à l’intégrité des élections?

Ottawa – 7 février 2014 – Au moment  l’on rédige le présent article, les conservateurs de Stephen Harper viennent de faire adopter une motion ayant pour effet de limiter la durée et le cadre des débats relativement au projet de loi C-23, qui a pour titre Loi sur l’intégrité des élections. Alors que le projet de loi, qui fait 242 pages, venait à peine d’être déposé, on a décidé de restreindre le temps qui allait être consacré aux débats en question.

On ne s’étonnera pas que Stephen Harper, le chef des conservateurs, veuille changer les règles ayant trait aux élections. En effet, c’est depuis que son parti a pris le pouvoir pour la première fois que celui-ci ne s’entend pas bien avec Élections Canada, ce que démontrent bien des événements tels que les suivants : le premier scandale des dépenses excessives en période électorale de 2006, le scandale des appels robotisés et la révélation d’autres dépenses excessives en vertu de la loi électorale. Les enquêtes qu’Élections Canada a effectuer chaque fois ont mis les conservateurs en colère, ce qui explique que Stephen Harper ait inscrit l’agence indépendante et son directeur sur la liste de ses ennemis.

Au lieu d’augmenter les pouvoirs d’Élections Canada en vue d’améliorer la capacité de cet organisme à enquêter sur les fautes qui se commettent, la nouvelle loi, si on l’adopte et la promulgue effectivement, aura pour effet de faire perdre à ce dernier la faculté d’effectuer des enquêtes. C’est le Bureau du Directeur des poursuites pénales qui pourra désormais exercer ces pouvoirs, mais, faut-il le rappeler, c’est le gouvernement qui nomme la personne occupant ce poste. Donc, en somme, c’est un individu choisi par Stephen Harper qui mènera les enquêtes portant sur les fraudes électorales qu’on aura commises.

En vertu de cette nouvelle loi, à part aviser les électrices et les électeurs du lieu et du moment ils ont la possibilité de voter, Élections Canada ne pourrait plus faire grand-chose. Ainsi, précisément, l’agence n’aurait plus le droit de mener des campagnes en vue d’inciter les gens à exercer bel et bien leur droit de vote. En outre, cette loi entraînerait des complications pour celles et ceux qui désirent voter, mais ne sont pas en mesure de donner une preuve acceptable de leur identité puisqu’elle aurait aussi pour effet d’éliminer la possibilité de répondre de ces personnes lorsqu’elles se présentent au bureau de scrutin. Donc, les gens de diverses catégories de la population qui ont déjà du mal à faire le nécessaire pour pouvoir voter et qui n’ont pas pour habitude de soutenir les conservateurs en seraient touchés; ainsi, par exemple, voilà quel serait le sort des personnes des Premières Nations, des étudiantes et étudiants, des pauvres et des individus qui n’ont pas de domicile fixe.

Toujours en vertu du projet de loi, on relèverait le seuil maximal des dons aux partis politiques en le faisant passer à 1 500 $ par année, on augmenterait la somme des dépenses que les candidates et les candidats ont le droit d’effectuer et on cesserait de tenir compte de certaines dépenses lors des contrôles visant à veiller à ce que les limites soient respectées. Qui en profiterait? Celles et ceux qui ont du mal à boucler leur budget tous les mois ou les gens ayant les moyens de faire des dons qui sont encore plus généreux que le seuil actuel?

Il n’est pas surprenant qu’on cherche à faire accélérer l’étude et l’adoption de ce projet de loi, ce qui fait qu’il ne sera pas possible d’en débattre tout à fait convenablement et suffisamment, étant donné les buts témoignant d’un esprit partisan qu’on recherche dans la foulée : décourager bien des électrices et électeurs, donner aux gens qui font partie de l’élite sociale le droit de donner plus d’argent que les autres citoyennes et citoyens et priver le directeur d’Élections Canada du pouvoir d’ordonner une enquête portant sur une fraude électorale pour le donner à une personne que Stephen Harper aura lui-même désignée.