Blogue politique : Le projet de loi 32 de Jason Kenney est une attaque contre les droits des travailleur(euse)s

Edmonton – 5 août 2020 – Lorsque le United Conservative Party (UCP) de Jason Kenney a remporté les élections provinciales de 2019 en Alberta, les travailleurs, les travailleuses et le mouvement syndical se sont préparés à l’inévitable assaut contre leurs droits. L’arrivée de la COVID‑19 a probablement retardé les attaques de l’UCP contre les travailleur(euse)s albertain(e)s, mais maintenant l’assaut est arrivé avec l’introduction du projet de loi 32.

Le gouvernement néo-démocrate de Rachel Notley a apporté de modestes réformes à la législation du travail de l’Alberta qui ont permis d’aligner les lois de la province sur celles de la plupart des autres provinces du pays. Le projet de loi 32 annule la plupart de ces changements et tente de ramener les lois à une époque où les travailleur(euse)s avaient peu de droits. Le projet de loi est une tentative flagrante de réduire le pouvoir de négociation des travailleur(euse)s et de leurs syndicats et, à l’avenir, il rend la défense les intérêts de leurs membres extrêmement difficile pour les syndicats. Et ce ne sont pas seulement les travailleur(euse)s syndiqué(e)s qui seront touché(e)s : le projet de loi 32 s’attaque également aux travailleur(euse)s non syndiqué(e)s en modifiant les lois sur les normes d’emploi.

Le gouvernement UCP de Kenney a apporté des changements au Code des normes d’emploi qui vont essentiellement éliminer le paiement des heures supplémentaires pour des milliers de travailleur(euse)s non syndiqué(e)s. Les modifications apportées au Code des normes d’emploi donneront aux employeurs une possibilité presque illimitée de contourner l’obligation de payer les heures supplémentaires à temps et demi. Cet article du projet de loi supprime les dispositions de la législation existante qui stipulent que les dispositions relatives à l’étalement des heures supplémentaires doivent être convenues à la fois par les employeurs et les travailleur(euse)s et que l’étalement ne peut se faire que sur une période ne dépassant pas 12 semaines. En vertu de la nouvelle législation de l’UCP, les employeurs pourront imposer des modalités de calcul de la moyenne des heures de travail sans le consentement des travailleur(euse)s (tant pis pour l’importance du « choix » dont l’UCP ne cesse de parler) et ils pourront calculer la moyenne des heures de travail des employé(e)s sur l’ensemble de l’année, au lieu de 12 semaines. En pratique, cela signifie que la plupart des employeurs pourront « faire la moyenne » de presque toutes les heures supplémentaires effectuées par leurs employé(e)s.

Les modifications apportées au Code des normes d’emploi permettront également aux employeurs individuels, aux groupes d’employeurs ou même à des industries entières de bénéficier beaucoup plus facilement d’exemptions ou de dérogations aux règles et aux protections énoncées dans le code. La formulation existante sera supprimée, de sorte que les employeurs ne seront plus tenus de satisfaire à des critères minimaux avant que leurs demandes de dérogation ou de modification puissent être accordées. Ce changement pourrait amener des industries entières, comme le secteur de la restauration, à demander une dérogation pour ne plus avoir à payer le salaire minimum.

En outre, le projet de loi 32 de l’UCP affaiblira la capacité financière des syndicats à défendre les intérêts de leurs membres. Un nouvel article ajouté au Code des relations de travail divise toutes les dépenses des syndicats en deux lots : le lot A, qui comprend les négociations collectives et le traitement des griefs, et le lot B, qui comprend tout le reste (recrutement, éducation, lobbying, défense des intérêts publics et politiques, travail avec des allié(e)s, soutien aux organisations caritatives, etc.). Les syndicats devront déterminer dans quel lot se trouve chaque poste de leur budget, puis ils devront obtenir le soutien explicite de chaque membre avant de pouvoir dépenser leurs cotisations individuelles pour quoi que ce soit dans le lot B. Cela créera des obstacles délibérément encombrants au fonctionnement efficace des syndicats, obstacles auxquels aucun autre groupe de la société n’est confronté.

De plus, de nouveaux articles du Code des relations de travail obligeront les syndicats à organiser des votes pour déterminer quels membres sont favorables à ce que leurs cotisations soient utilisées pour les dépenses du « lot B » (voir ci-dessus) et quels membres ne le sont pas. L’article exige également que les syndicats communiquent ensuite à leur employeur le nom des travailleur(euse)s qui ont voté en faveur des dépenses du « lot B ». En d’autres termes, il ne s’agira pas de votes à bulletin secret. Les employeurs sauront exactement qui a voté pour soutenir les activités plus larges de leur syndicat et qui ne l’a pas fait. La possibilité que ces informations soient utilisées abusivement par les employeurs, et éventuellement les gouvernements, est évidente et troublante et elle cible les travailleur(euse)s qui choisissent de participer pleinement aux activités de leur syndicat.

Le projet de loi 32 modifie également le Code des relations de travail d’une manière qui contrevient clairement au droit à la liberté d’expression. Un amendement, par exemple, stipule que le fait « d’entraver ou de gêner » une personne qui souhaite franchir un piquet de grève sera désormais considéré comme un acte illicite et illégal. Cela va totalement à l’encontre des décisions de la Cour suprême du Canada (CSC) qui ont soutenu le droit des piqueteurs de parler aux gens sur les piquets de grève, de distribuer de la documentation et de les arrêter pendant des périodes de temps raisonnables. La CSC a statué que ces droits sont une extension de la liberté d’expression garantie dans la Charte des droits et libertés. De même, les amendements du projet de loi 32 sont presque certainement inconstitutionnels, car ils stipulent que les membres des syndicats ne peuvent faire du piquetage sur des sites secondaires (c’est-à-dire des sites autres que leur site de travail principal) que s’ils obtiennent l’autorisation de la Commission des relations de travail, ce qui serait extrêmement improbable sous un gouvernement UCP. Une fois de plus, la CSC a statué sur les piquets de grève secondaires, et elle a déterminé qu’ils relevaient des protections de la Charte sur la liberté d’expression.

Enfin, le projet de loi 32 modifie encore le Code des relations de travail en donnant au cabinet provincial le pouvoir de fixer « le moment et la fréquence » des modifications que les syndicats peuvent apporter à leurs cotisations, et suggère que le gouvernement puisse également en fixer le montant. Cela représente un niveau d’intrusion gouvernementale sans précédent dans les décisions des citoyen(ne)s privé(e)s et dans les affaires internes des groupes privés.

Les changements introduits par le gouvernement UCP de Kenney sont garantis d’être contestés devant les tribunaux, car ils semblent être des violations flagrantes de la Charte des droits et libertés en ce qui concerne la liberté d’association. Mais Kenney semble ne pas s’en soucier et est prêt à dépenser des millions dans les tribunaux afin de diaboliser et de défigurer les syndicats. Ces changements font considérablement pencher la balance en faveur des employeurs, visent à faire taire les critiques du gouvernement, et doivent être combattus vigoureusement dans les semaines et les mois à venir.