Blogue politique : Le nouvel accord commercial nord-américain sera-t-il appliqué?

Toronto – 28 avril 2020 – Au début du mois, le président américain Donald Trump a demandé au fabricant américain 3M de cesser d’expédier des masques N95 au Canada et dans d’autres pays, par crainte que les États-Unis ne manquent d’équipements de protection individuelle. La compagnie a fait pression et un accord a été conclu pour poursuivre l’exportation des masques. Cependant, la demande de M. Trump a amené de nombreux Canadien(ne)s à se demander si son administration était disposée à respecter les principes et les accords de base qui sous-tendent nos relations commerciales avec les États-Unis.

Le lendemain du dépôt de la demande de M. Trump à propos des masques N95, le gouvernement du Canada a notifié aux États-Unis et au Mexique qu’il avait achevé son processus de ratification interne de l’accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), l’accord commercial qui remplacera l’ALENA. Le Mexique a fait de même, mais ce sont maintenant les États-Unis qui retardent leur processus de ratification interne.

Tout au long de la présidence de M. Trump, on a constaté que les règles et les accords ont souvent été considérés comme des obstacles qui l’empêchent d’avancer dans son programme politique, ce qui soulève de sérieuses questions quant à savoir si l’ACEUM sera efficace et légalement appliqué tant que M. Trump sera président.

L’accord commercial suscitait déjà de nombreuses préoccupations du côté canadien. En effet, pour le coût des médicaments et la protection de notre industrie laitière, le gouvernement fédéral a dû faire des concessions. Des périodes de protection plus longues pour les brevets de médicaments biologiques par rapport aux génériques et des périodes de droits d’auteur plus étendues augmenteront le coût des médicaments à un moment où le Canada envisage sérieusement de mettre en place un programme national d’assurance-médicaments.

À l’instar d’autres négociations d’accords commerciaux, le Canada a également cédé sur les protections de l’industrie laitière canadienne. Et comme pour les autres accords commerciaux, les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs restent inchangés, ce qui permet aux entreprises et aux gouvernements de poursuivre d’autres gouvernements qui adoptent des lois dans l’intérêt public. Fait inquiétant, l’ACEUM impose également des restrictions sur la capacité du Canada à négocier de nouveaux accords commerciaux avec d’autres pays.

Le gouvernement fédéral a salué les chapitres annexes de l’ACEUM sur l’environnement et les droits des travailleurs et des travailleuses comme des instruments permettant de renforcer l’accord commercial, mais nous sommes en droit de nous demander si les États-Unis, sous la présidence de M. Trump, respecteront ces dispositions. Les récents événements suggèrent que ce ne sera pas le cas. Le chapitre sur le travail promeut « la liberté d’association et le droit à la négociation collective », mais le National Labor Relations Board (NLRB), dominé par M. Trump, a mis en avant un programme anti-travailleur(euse)s qui a sapé la capacité des Américain(e)s à se syndiquer et à participer à des négociations collectives. En se servant de la pandémie de la COVID-19 comme prétexte, le NLRB a annoncé le 3 avril dernier de nouvelles règles qui rendent la syndicalisation presque impossible et la désaccréditation plus facile.

Bien que l’accord sur la coopération environnementale semble satisfaisant sur papier, à quoi servira-t-il alors que l’administration Trump a déjà fait marche arrière sur les normes d’émissions établies sous Obama, que l’Agence américaine pour la protection de l’environnement a suspendu indéfiniment l’application des normes environnementales et que M. Trump continue à promouvoir l’utilisation du charbon?

Les récentes actions du président américain Donald Trump soulèvent une question importante pour les Canadien(ne)s : l’accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) sera-t-il appliqué? On est en droit de se poser la question puisqu’en matière de commerce, il semble que l’administration Trump fasse ce qu’elle veut, quand elle le veut.