On demande à Singh de prouver qu’il n’est pas un stéréotype offensant

Ottawa – 4 avril 2018 – La couverture médiatique enflammée accordée à la participation du chef du NPD, Jagmeet Singh, à certaines activités de la communauté Sikh révèle que les médias canadiens ne savent pas vraiment quelle attitude à adopter face à la situation où l’un des plus grands partis politiques du Canada est mené par un chef qui n’est pas de race blanche.   

On l’a très bien vu peu après l’élection de Jagmeet Singh à la chefferie du NPD, quand celui-ci avait été interviewé par le journaliste chevronné de la SRC, Terry Milewski, qui s’était mis à le harceler au sujet des affiches du commanditaire présumé de l’attentat à la bombe contre l’avion d’Air India survenu en 1985 qu’on exhibait à l’occasion des défilés du Vaisakhi (fête historique et religieuse que célèbrent les Sikhs et les Hindous).

Singh avait répondu en déclarant : « en tant que société, nous devons collectivement et sans équivoque dénoncer les pertes de vie d’innocents chaque fois que cela se produit; c’est une chose tout à fait inacceptable ». Mais cela ne suffisait pour Terry Milewski, qui semblait vouloir absolument rendre Singh responsable d’un acte terroriste qui a été commis alors qu’il était âgé de cinq ans. Le fait que divers autres journalistes et organes de presse n’arrêtaient pas de lui poser des questions de ce genre et qu’il devait à maintes reprises répéter qu’il est absolument contre la violence est troublant et semble indiquer qu’on lui impose des normes de responsabilité plus élevées que les autres chefs politiques, qui sont de race blanche pour la plupart.           

Des photos de Singh prises récemment à l’occasion d’un rassemblement ayant eu lieu en Californie en 2015, où étaient présents des partisans du mouvement indépendantiste sikh, ont fait beaucoup de vagues dans les médias qui ont vite fait d’accuser Singh de soutenir l’indépendance des Sikhs. Mais pas un seul journaliste n’a écrit sur le sujet qu’il a abordé lors du rassemblement. Singh a en effet parlé de la douleur toujours présente dans sa communauté et de son propre cheminement pour en apprendre davantage sur ses origines. Il a aussi expliqué comment cela l’a aidé à assumer son identité et à travailler plus fort pour défendre les droits de la personne et les personnes marginalisées. Tout au long de sa carrière, Singh a été un fervent défenseur de la justice sociale et des droits de la personne, et c’est une chose que les médias oublient fort opportunément.

Le procès de Singh par les médias qui veulent le faire passer pour un extrémiste révèle l’existence d’une justice à deux poids deux mesures. L’ex-premier ministre Stephen Harper avait  contribué à la création de la Northern Foundation, une fondation favorable à l’apartheid qui donnait tribune à Paul Fromm, un néo-Nazi. Stephen Harper avait offert avec l’argent des contribuables un voyage en Israël à des représentants de la Jewish Defense League (ligue de défense juive), bien que cette organisation ait été considérée comme un groupe terroriste de droite par le FBI (bureau fédéral d’enquête des États-Unis).    

D’autre part, l’actuel chef du parti conservateur, Andrew Sheer, s’est entouré de gens qui ont des liens avec l’organe de presse Rebel Media, lequel fait la promotion de l’intolérance haineuse. Cet organe de presse est surtout connu pour les vues suprémacistes blanches exprimées dans la couverture qu’il a accordée aux émeutes inspirées par la violence fasciste qui ont éclaté à Charlottesville. Pourquoi donc Sheer et Harper n’ont-ils jamais eu à répondre de ces liens qu’ils entretenaient?

Le Canada a beaucoup de chemin à faire dans la lutte contre le racisme, et cela inclut la reconnaissance de problèmes systémiques qui sont encore présents dans notre pays. On l’a vu très clairement dans les folles attaques que les médias ont menées contre Jagmeet Singh, probablement à cause de son identité. Les médias, surtout les organes de presse blancs, veulent que Jagmeet Singh, ce politicien à la peau brune portant turban, prouve à la population canadienne qu’il n’est pas un stéréotype offensant, une justice de deux poids deux mesures qu’on n’a imposée à aucune femme ni aucun homme politique de race blanche.