Trudeau compte-t-il sur Mulroney pour renégocier l’ALENA?

Toronto – 4 mars 2017 – Le président américain Donald Trump s’apprête à renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), et il semble que les pourparlers débuteront le 1er juin prochain.

L’ALENA a été initialement négocié et adopté comme loi sous le règne du premier ministre conservateur Brian Mulroney. Si l’ALENA a été présenté à la population comme un accord créateur d’emplois et de richesse, les avantages qu’il était censé procurer aux vaillants travailleurs et travailleuses du Canada n’ont malheureusement jamais été concrétisés. Au contraire, le secteur de la fabrication a perdu des centaines de milliers d’emplois bien rémunérés, les revenus ont stagné et les inégalités se sont accrues de manière considérable.  

Ayant pris effet en 1994, l’ALENA était le premier accord commercial intervenu entre les pays développés où l’on retrouvait des dispositions concernant les relations investisseur-État. Ces dispositions permettent aux investisseurs du continent de poursuivre les gouvernements élus démocratiquement s’ils adoptent des règles, des règlements ou des lois qui portent atteinte à leurs intérêts financiers, et ces investisseurs peuvent le faire sans d’abord recourir aux tribunaux du pays en question. En raison des dispositions concernant les relations investisseur-État que renferme l’ALENA, le Canada est désormais le pays développé le plus poursuivi au monde. Nous avons eu à payer des dommages-intérêts équivalant à plus de 200 millions $ à des sociétés américaines en raison de procès que nous avons perdus à cause de ces dispositions. Depuis 2015, les investisseurs étrangers ont réclamé plus de six milliards de dollars au gouvernement canadien par suite de nouvelles actions en justice.   

L’ALENA a été un lamentable échec pour les vaillants travailleurs et travailleuses du Canada. C’est donc une situation fort peu rassurante que le gouvernement de Justin Trudeau décide aujourd’hui de faire appel à Brian Mulroney, l’homme responsable de la participation du Canada à l’ALENA, pour l’aider à renégocier l’accord avec l’administration Trump. Mulroney est actuellement en pourparlers avec Trump, et il communique avec des femmes et des hommes politiques des États-Unis au nom de Trudeau. Les Libéraux suivent la stratégie que propose Mulroney qui consiste à flatter le président américain, et aujourd’hui les député(e)s conservateurs ne tarissent pas d’éloges pour le gouvernement Trudeau lorsqu’il s’agit de Trump et de l’ALENA. Bien que le gouvernement affirme que Mulroney n’est pas rémunéré pour ses démarches, du moins par le gouvernement canadien, il y a malgré tout lieu de s’inquiéter des conflits d’intérêts potentiels. Par exemple, Mulroney siège au conseil d’administration de plusieurs sociétés américaines et canadiennes dont le Blackstone Group, une société d’investissement privée fondée par Stephen Schwartzman, lequel préside le conseil consultatif économique de Trump. 

Le gouvernement Trudeau devrait faire preuve d’ouverture et de transparence à propos des négociations à venir, mais jusqu’ici les Libéraux se contentent de garder le silence. Il n’y a pas eu de consultations publiques sur la question, et le gouvernement n’a pas fait connaître ses objectifs pour les négociations.

De même, Trudeau n’a donné à la population aucune information quant au rôle que Mulroney est appelé à jouer dans les pourparlers sur l’ALENA, et lorsqu’on lui demande de clarifier la situation, il dit tout simplement que le travail de Mulroney profitera à la classe moyenne (la même réponse qu’il donne à presque toutes les questions que lui posent les médias).

Les Canadiennes et Canadiens devraient être très inquiets que le gouvernement Trudeau ait choisi de faire appel à la personne qui est d’abord responsable de notre échec dans le dossier de l’ALENA pour l’aider à renégocier l’accord. On ne doit pas espérer que tout finira bien.