La privatisation : un gain à court terme pour un mal à long terme

Toronto – 5 octobre 2016 – Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a ouvert la porte à une possible privatisation de SaskTel, une société publique qui fournit des services de téléphonie fixe et mobile et des services d’accès à l’internet dans la province. Cette entreprise fait partie des sociétés publiques robustes et profitables à tous qui ont jalonné l’histoire de la Saskatchewan. Mais aujourd’hui, suite à la victoire électorale du parti de Brad Wall qui place ce dernier à la tête d’un gouvernement très majoritaire, elle semble être sur le point d’être privatisée.

Les gouvernements de droite se montrent souvent disposés à vendre à leurs amis du monde des affaires des biens publics de grande valeur et très rentables, mais l’opposition de la population, particulièrement en Saskatchewan, leur bloque souvent le chemin. Face à cette conjoncture, le gouvernement Wall a adopté une approche progressive pour la privatisation. Depuis 2008, la province a vendu 16 différents investissements, ensembles d’actions et séries de parts qu’elle détenait, y compris la Société des services d’information, en 2012, et, plus récemment, 40 de ses magasins d’alcool. Mais aujourd’hui, ce sont les grandes sociétés publiques qui se trouvent dans la ligne de mire du gouvernement.     

Or, la privatisation a toujours été une solution à court terme. Elle crée beaucoup de problèmes plus tard, dont des pertes de revenus au détriment de la province. S’il est vrai que les sociétés privées profitent à celles et à ceux qui en détiennent des actions, les sociétés publiques profitent à toute la population en fournissant des revenus indispensables pour le financement des hôpitaux, des écoles et des infrastructures.  

La société SaskTel a été créée pour une raison bien particulière. C’est que les sociétés privées n’étaient pas intéressées à desservir les zones de la province où elles ne feraient que peu de profit ou bien n’en réaliseraient aucun. Maintenant que l’infrastructure a été créée avec l’argent des contribuables, le secteur privé veut se l’approprier.    

Il suffit de jeter un coup d’œil dans la province voisine, au Manitoba, pour voir ce qui est arrivé quand la société publique MTS, qui offre des services de téléphonie à la population, a été privatisée. Cette dernière impose un tarif de 27 %  supérieur à celui que fait payer la société SAskTel pour des services de téléphonie de base similaires en Saskatchewan. Le coût de ces services chez  SaskTel est de 8 $ par mois. Par ailleurs, au cours des cinq dernières années, SaskTel a produit un rendement de 497 millions de dollars, qui est remis aux gens de la Saskatchewan sous forme de dividendes annuels.  

Cependant, la Saskatchewan n’est pas la seule province qui a la fièvre de la privatisation. En Ontario, le gouvernement libéral est sur le point de vendre 60 % de la société publique la plus importante de la province, soit Ontario Hydro. Une majorité d’Ontariens s’opposent au projet, mais le gouvernement libéral y tient mordicus. En adoptant cette solution à court terme, qui lui permettra, certes, de réduire les dettes de la province, le gouvernement se privera d’une source de revenus qui produit en moyenne près d’un milliard de dollars par an. Il s’agit là d’une perte considérable de revenus qu’on pourrait utiliser pour financer des services publics indispensables, d’autant plus que la population n’aurait plus aucun droit de regard sur les activités de la société et devra payer des tarifs accrus qui serviront à verser des profits aux actionnaires.

La privatisation est peut-être une solution à court terme en période de ralentissement de la croissance économique et peut même s’avérer avantageuse pour la société privée qui se voit ainsi accorder l’acquisition d’une entreprise publique, mais, à long terme, elle est préjudiciable à la population en général dans la mesure où elle provoque une augmentation des tarifs et une dégradation de la qualité des services publics.