Ce n’est pas la rémunération « élevée » des travailleuses et des travailleurs qui met la situation économique du Canada en péril, mais bien l’avidité des grandes entreprises

Plus on en apprend sur les rencontres entre le ministre des Finances Jim Flaherty et les dirigeants d’entreprises les plus en vue au Canada qui ont lieu chaque été là où ce ministre « se retire » pour s’entretenir avec ces derniers de la politique économique, plus on s’aperçoit que le gouvernement fédéral, que forme actuellement le Parti conservateur du Canada, se plaît à l’idée de l’une des recommandations qu’on a formulées en pareille occasion l’année dernière. Selon les grosses légumes qui font partie du rang des PDG ou de la classe politique de droite du pays, les grandes entreprises n’auraient plus les moyens de rémunérer les travailleuses et les travailleurs du Canada « parce qu’ils reçoivent un salaire trop élevé ».

Or, est-il exact que les salaires sont excessifs au Canada? Ce n’est pas ce qu’indiquent les statistiques. Dans un article que le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) a récemment publié, l’économiste Andrew Jackson fait état d’un accroissement du déséquilibre de la rémunération qui se serait produit au cours des trente dernières années et précise que, à eux seuls, les Canadiennes et les Canadiens les plus privilégiés (c’est-à-dire, pour la plupart, de hauts cadres d’entreprises), qui forment un pour cent (1 %) de la population, se sont taillé la part du lion de tout ce qui se versait en salaires pendant cette période.

Qui plus est, selon ce que rapporte l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), six pour cent (6 %) du revenu total au Canada serait passé des salaires que gagnaient les travailleuses et les travailleurs aux profits des entreprises et à la rémunération de leurs cadres depuis 1990.

C’est un peu le même son de cloche du côté du gouverneur de la Banque du Canada, M. Mark Carney, qui a récemment laissé entendre que les grandes entreprises du Canada ne faisaient pas leur part en vue de soutenir la croissance économique et de créer des emplois dans ce pays. Il les accuse de ne faire que compter l’immense fortune qu’elles accumulent alors qu’elles devraient l’investir dans la main-d’œuvre, les techniques modernes et l’infrastructure afin d’atténuer l’ampleur des ennuis que le Canada connaît actuellement au point de vue économique. Pour sa part, Statistique Canada mentionne que, abstraction faite de ceux des établissements financiers, les grandes entreprises du Canada auraient engrangé des revenus de 526 milliards de dollars en tout au terme du premier trimestre de 2012, ce qui représentait une augmentation de quarante-trois pour cent (43 %) depuis 2009, année où la dernière récession a pris fin.

En sachant tout cela, on se rend bien compte que ce ne sont pas les salaires des travailleuses et des travailleurs du Canada qui sont à l’origine des difficultés économiques du pays, mais plutôt la rémunération que se donnent les gens les plus fortunés constituant un pour cent (1 %) de la population et l’énorme réserve de « bidous » que les grandes entreprises se contentent d’amasser au lieu de l’investir dans l’économie pour créer des emplois et stimuler la croissance économique.