Le point sur les actions de Walmart : À la hausse pour les travailleurs, à la baisse pour les investisseurs

Cette semaine, Walmart va offrir tout un spectacle à Toronto. Lors de l’assemblée annuelle internationale qu’ils organisent pour la communauté financière, les dirigeants de Walmart vont probablement dépeindre en rose les opérations internationales de la compagnie. Cette réunion d’investisseurs et d’analyses boursiers est après tout conçue de manière à ce que la compagnie puisse assurer à l’auditoire que ses opérations sont solides et que leurs investissements sont en sûreté

Mais, il y a une réalité que Walmart ne mentionnera probablement pas concernant ses activités opérationnelles – le fait que la compagnie continue d’abaisser les normes qui régissent les conditions de travail des salarié(e) autour du monde et d’affaiblir les relations de travail dans chacun des pays elle étend ses tentacules.  

Les Canadiens et Canadiennes n’auront pas besoin qu’on leur rappelle que Walmart est une multinationale. Implanté dans près de 28 pays, ce géant a un chiffre d’affaires de 447 milliards de dollars, ce qui est de 14 fois supérieur à celui du plus grand détaillant canadien. Et en tant que le plus grand employeur du secteur privé dans le monde (seuls l’Armée de la libération populaire de Chine et le ministère de la Défense des États-Unis emploient plus de gens), la norme que Walmart établit pour le marché de l’emploi nous touche tous et toutes

Dans notre propre pays, la compagnie Walmart ne respecte pas les droits des travailleuses et travailleurs. Elle a fermé son magasin de Jonquière, au Québec, quand les employé(e)s de cette succursale ont choisi en 2004 de se faire représenter par les TUAC Canada (Travailleuses et travailleurs unis de l’alimentation et du commerce).

La même chose s’est produite aux États-Unis en 2000. Quand les découpeurs de viande d’un magasin du Texas ont voté pour former un syndicat, Walmart a remplacé la viande fraîche par des produits de viande pré-emballés, ce qui a rendu la démarche sans pertinence et mis au chômage les salarié(e)s qui ont exercé leur droit d’agir collectivement.  

On entend des histoires similaires concernant l’opposition de Walmart contre les salarié(e) partout dans le monde. Dans des pays comme le Chili, le Brésil et l’Argentine la direction de Walmart a été contrainte d’accepter un syndicat du fait que les employé(e)s des détaillants qu’elle a acquis étaient déjà syndiqués, la compagnie s’efforce d’affaiblir les contrats parfois en vue de miner les syndicats. En fait, en janvier 2012, la plus grande caisse de retraite des Pays-Bas, Algemeen Burgerlijk Pensioenfonds (ABP), s’est départie de ses actions de Walmart et a mis la compagnie à l’index pour mauvaises pratiques de travail continues et prises de position antisyndicales. Une enquête pluriannuelle et des dialogues entrepris avec les cadres de Walmart ont révélé ces lacunes.

C’est un comportement odieux mais, au bout du compte, pourquoi les investisseurs et les analystes boursiers auxquels Walmart va s’adresser cette semaine s’en soucieraient-ils? À la limite, on pourrait dire que Walmart ne fait qu’agir intelligemment. Empêcher les salarié(e)s de participer à des négociations collectives est une façon de maintenir à la baisse les coûts de la main-d’œuvre (et donc les prix que paient les clients), n’est-ce pas?

En fait, non. Cette opposition philosophique agressive et rétrograde contre les droits des salarié(e)s qu’affiche le siège social de Walmart situé à Bentonville dans l’État américain d’Arkansas, joue en fait contre les opérations et le cours des actions de la compagnie. La croissance des revenus et des profits de Walmart est en baisse et les actions de la compagnie ont enregistré des résultats nettement inférieurs à l’indice S&P Retail au cours de la dernière décennie.  

L’avantage financier de la compagnie Walmart n’est plus ce qu’il était autrefois et son idée fixe à vouloir abaisser les coûts l’a mise dans une situation elle se retrouve avec des magasins peu attrayants et souvent chaotiques les clients cherchent en vain des articles en rupture de stock.  Pour compenser ces pertes de ventes, la direction de Walmart a cherché à accroître les revenus en ouvrant de nouveaux magasins, d’où l’obsession à vouloir s’implanter dans de nouveaux pays et à percer de nouveaux marchés.

Mais le dossier qu’elle traîne dans le monde en matière de déni des droits de représentation des salarié(e)s rebondit. En Afrique du Sud, une coalition de syndicats internationaux et le gouvernement sud-africain ont joint leur voix à celle du syndicat des salarié(e)s du secteur de la vente au détail pour s’opposer à l’entrée de Walmart dans le pays. Le processus d’examen et les conditions imposées à la compagnie Walmart ont fini par coûter à cette dernière près d’un an d’exploitation et potentiellement des centaines de millions de dollars. Chose plus importante, pour en avoir fait l’expérience, les Sud-Africain(e)s connaissent déjà le caractère évanescent de l’« engagement »de Walmart envers les fournisseurs locaux et d’autres intervenants.

Nous pouvons voir la tendance se répéter en Inde la compagnie Walmart est devenue un point de mire pour les groupes qui s’opposent aux investissements étrangers directs dans le secteur du commerce de détail multimarque du pays. Walmart a récemment fait l’objet d’une manifestation de deux jours visant à empêcher une plus grande ouverture du marché indien. La réputation de la compagnie Walmart la précède dans tous ces marchés potentiels. Les pays elle veut croître n’accueillent pas son style de capitalisme américain.

En dernier ressort, le fait de priver les salarié(e)s du droit de se syndiquer en vue d’améliorer leurs conditions de travail est une mauvaise chose non seulement pour les employé(e)s mais aussi pour les communautés dans lesquelles ils vivent. C’est mauvais pour les affaires, et c’est pourquoi les investisseurs mondiaux devraient examiner à fond l’envers des stratégies opérationnelles de Walmart cette semaine.


Wayne Hanley est le président national des Travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, le plus grand syndicat du secteur privé du Canada et l’un des principaux porte-paroles des travailleurs et travailleuses du secteur du commerce de détail.    

 

Tel que publié dans le Hamilton Spectator