Deb Kaufman, Section locale 1977

Les marchés Zehrs
Kitchener (Ontario)

C’est en 1973 que Deb Kaufman a commencé à travailler comme caissière à temps partiel à un supermarché de la chaîne Zehrs, filiale des Compagnies Loblaw limitée. Elle allait encore à l’école secondaire et ne savait pas très bien ce qu’elle avait l’intention de faire de sa vie sur le plan de la carrière, mais elle avait de l’ambition et n’hésitait jamais à profiter de chaque occasion qui s’offrait à elle d’ajouter à ses heures de travail. Voilà ce qui, entre autres, lui a donné l’occasion de faire la pesée à la balance des denrées qu’achetaient les clientes et les clients, travail qui ne se fait plus ainsi de nos jours. Elle avait fini par recevoir une promotion faisant d’elle une employée à temps plein au rayon des fruits et légumes, mais elle a fait l’objet d’une discrimination fondée sur le sexe au moment où la direction du supermarché y éliminait précisément des postes de cette catégorie.

« Comme tu ne seras pas capable de décharger des camions ni de faire les étalages, tu vas devoir retourner à la caisse », lui a-t-on dit sans seulement lui donner l’occasion de faire ses preuves.

La consœur Kaufman estimait qu’il était ennuyeux de passer toute la journée debout à un comptoir-caisse, ce qui explique qu’elle se soit spontanément portée volontaire pour faire n’importe quoi, comme le changement des prix. Au bout d’un certain temps, elle est parvenue à en savoir beaucoup sur l’administration du rayon d’épicerie et, vers le début des années 1980, lorsque le poste de commis d’épicerie en chef (qu’on appelle de nos jours la gérante ou le gérant d’épicerie) s’est ouvert, elle a cru qu’elle pouvait en relever le défi, et ce même s’il n’y avait jamais eu de femme à ce poste chez Zehrs.

« Je voudrais l’avoir », a-t-elle dit à son délégué syndical. « C’est bien ce que je pensais », a alors répondu Scott Penner (actuellement président de la section locale 1977),  qui, à l’époque, occupait aussi le poste de gérant au rayon des fruits et légumes frais du magasin. Elle s’est donc effectivement portée candidate au poste.

Son seul rival était un homme possédant moins d’ancienneté qu’elle, mais c’est à ce dernier qu’on allait le donner. Sur les encouragements du confrère Penner, elle a déposé un grief dont on allait trancher la question en faveur du syndicat, ce qui faisait d’elle la première femme occupant un poste de gérante d’épicerie de la chaîne.

Le grand gérant du magasin s’opposant résolument à la présence de femmes aux postes de gestion, il allait prendre bien soin de faire en sorte qu’on lui impose les tâches les plus lourdes et les plus difficiles : par exemple, elle devait soulever toute seule des sacs de sel pesant 40 kg. Après un an et demi de travail éreintant s’accompagnant de harcèlement dépourvu de subtilité, elle a décidé de laisser le poste pour rejoindre le confrère Penner aux fruits et légumes. Lorsqu’il s’est mis à travailler à temps plein pour le syndicat, la consœur Kaufman n’a eu aucun mal à prendre son poste de gérant dans ce rayon tout en étant aisément élue à celui de déléguée syndicale. Elle allait répéter régulièrement ce dernier exploit pendant les 25 années suivantes, même après avoir été transférée à un autre magasin.

La consœur Kaufman se souvient : « Ce sont surtout les cours de formation pour délégués syndicaux et les conférences de délégués de la section locale 1977 qui ont favorisé ma réussite, car, alors, je rencontrais d’autres militantes et militants du syndicat, j’apprenais à m’y prendre en gestion et j’acquérais l’assurance que donnent l’expérience et le soutien du milieu. »

Elle s’est portée volontaire pour contribuer à un si grand nombre d’activités syndicales ou faire sa part au sein de tant de comités syndicaux qu’elle doit s’arrêter pour se rappeler les plus importants, comme le comité des griefs, le comité d’éducation, le comité de la condition féminine, le comité d’aide aux membres, le comité de retraite et bien d’autres. C’est en 1989 que la consœur Kaufman a été élue pour la première fois au conseil exécutif de la section locale 1977, au sein duquel elle se trouve toujours. Actuellement, elle en est l’archiviste.

Voici le conseil, simple et direct, que la consœur Kaufman aurait à donner aux jeunes femmes : « Assistez aux réunions syndicales pour voir ce qui s’y passe. Vous ne tarderez pas à reconnaître des visages et vous aurez le sentiment d’être bel et bien incluses dans le groupe. Comme les TUAC cherchent toujours à tendre la main aux jeunes pour qu’ils fassent leur part, des occasions s’offriront à vous tôt ou tard si vous vous présentez régulièrement aux réunions. »

La consœur Kaufman ajoute : « Même si, finalement, on ne désire pas faire de militantisme syndical, on devrait parler du syndicat à ses compagnes et compagnons de travail. »

« Les gens n’apprécient pas à leur juste valeur les bienfaits de la présence d’un syndicat. Il faut leur faire remarquer qu’on ne jouirait certainement pas d’avantages tels que l’ancienneté, la non-discrimination et la procédure de règlement des griefs s’il n’y en avait pas et on doit le leur rappeler souvent. Nous-mêmes devons toujours nous en souvenir tout en faisant en sorte que celles et ceux avec qui nous travaillons ne l’oublient pas non plus. »